Quand la puissance culturelle chinoise rencontre la distribution européenne

L’article du Grand Continent publié le 3 décembre 2025 analyse la transformation silencieuse de la Chine en puissance culturelle émergente. Loin d’une stratégie marginale, Pékin investit massivement dans les industries créatives, le cinéma, le jeu vidéo, la mode ou l’animation.

L’objectif est clair : produire des contenus capables de rivaliser avec les références occidentales et d’imposer une esthétique propre, portée par une industrie en pleine maturité.

L’analyse souligne que cette montée en puissance ne relève pas d’un simple dynamisme artistique. Elle s’inscrit dans une stratégie globale où création culturelle, diplomatie, technologies numériques et plateformes de diffusion avancent de concert. La Chine cherche à étendre son influence en façonnant des récits, en maîtrisant des formats et en occupant les espaces symboliques qui structurent les imaginaires internationaux.

Une opération capitalistique qui change l’équation européenne

Comme nous le révélions dans notre précédent article, l’entrée de JD.com au capital de Fnac Darty fin novembre 2025 prend une dimension particulière. Officiellement présentée comme une opération financière encadrée, elle touche cependant un acteur central de la distribution culturelle en France. Fnac Darty n’est pas un simple détaillant. C’est une interface majeure entre les œuvres et le public, un lieu où se déterminent les pratiques culturelles, les usages numériques et les tendances de consommation.

La présence d’un géant chinois dans ce capital ouvre une nouvelle étape. Même sans rôle opérationnel direct, un acteur extérieur peut influencer les flux, les partenariats ou la visibilité de certaines catégories de produits. Dans un secteur où la frontière entre culture et consommation est poreuse, cette évolution n’est pas anodine.

Une convergence stratégique : création en amont, diffusion en aval

Le lien entre les deux dynamiques apparaît nettement. D’un côté, la Chine développe une industrie culturelle capable de séduire hors de ses frontières. De l’autre, ses entreprises accèdent aux circuits européens de distribution. La montée en puissance décrite par le Grand Continent correspond au versant amont : produire des contenus, installer des codes, affirmer une présence symbolique.

L’opération JD.com illustre le versant aval : entrer dans les espaces où se structure la demande culturelle et où se décide ce qui gagne en visibilité.

Cette convergence n’est pas fortuite. Elle traduit une stratégie cohérente visant à contrôler un ensemble complet : la production, la diffusion et, à terme, la normalisation des références culturelles.

Une Europe prise de vitesse sur son propre terrain

Face à cette progression à double vitesse, les réactions européennes oscillent entre vigilance politique et pragmatisme économique. L’enjeu dépasse pourtant la régulation financière. Il concerne la capacité du continent à protéger ses espaces culturels, à maîtriser ses chaînes de distribution et à préserver un modèle où la diversité des productions dépend de la pluralité des points d’accès.

L’affaire JD.com – Fnac Darty montre que la souveraineté culturelle ne se joue plus uniquement sur les œuvres, mais dans les infrastructures qui déterminent leur circulation. Si la Chine renforce son rôle dans les deux sphères, la question qui se pose est moins celle d’une concurrence commerciale que celle d’un changement profond du rapport de force culturel.

Une recomposition durable

L’analyse croisée des deux situations met en lumière une recomposition durable : la Chine consolide son influence en articulant puissance culturelle et puissance commerciale. Cette stratégie lui permet d’occuper à la fois les lieux de création et les lieux de diffusion, en imposant progressivement ses contenus, ses codes et ses modèles.

Pour l’Europe, le défi est désormais clair. Il s’agit de préserver un espace culturel ouvert, mais capable de résister à des stratégies intégrées qui associent récit, industrie et distribution. L’avenir de la scène culturelle européenne se jouera autant dans la qualité des œuvres que dans la maîtrise des infrastructures qui les portent.