Omnibus, CSRD, CS3D : la simplification qui entretient l’incertitude

Par Laurent Arnou

Le Parlement européen a adopté le 13 novembre une révision des dispositifs CSRD et CS3D dans le cadre du paquet législatif dit Omnibus. L’annonce s’inscrit dans une volonté affichée de réduire les charges administratives pesant sur les entreprises, avec un message politique clair : simplifier sans renoncer aux ambitions du Pacte vert. Les débats au Conseil se poursuivent et aucun accord définitif n’est encore établi, ce qui place les organisations dans une phase transitoire où les intentions sont connues mais les contours demeurent incertains. Les premières analyses de cabinets spécialisés, comme celle de Bac Audit Conseil, soulignent que la structure générale des obligations reste inchangée malgré les aménagements annoncés.

Une CSRD recentrée mais toujours structurante


La CSRD est le texte qui généralise le reporting de durabilité à l’échelle européenne. Elle remplace l’ancien dispositif NFRD en imposant une présentation standardisée, vérifiable et exhaustive des performances extra-financières. Les entreprises doivent désormais documenter leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance avec la même rigueur que leurs états financiers. La révision votée ne remet pas en cause cette logique, qui demeure l’un des piliers de la stratégie européenne de transparence durable. Les éventuelles simplifications portent davantage sur la granularité des indicateurs ou le phasage des obligations que sur l’architecture du texte.

Une CS3D recentrée sur la vigilance opérationnelle


La CS3D constitue le volet consacré au devoir de vigilance. Elle impose aux entreprises de surveiller l’ensemble de leur chaîne de valeur et de prévenir les atteintes graves aux droits humains, à l’environnement et aux conditions de travail. Le texte exige une cartographie des risques, un dispositif de contrôle et une capacité à corriger les situations problématiques. La révision n’efface pas cette mécanique. Elle ajuste certains seuils et clarifie certaines attentes, mais le principe demeure intact : les entreprises ne doivent pas seulement déclarer, elles doivent agir. La CSRD et la CS3D forment ainsi un couple cohérent où la première impose la transparence et la seconde la responsabilité.

Le paradoxe d’un allègement qui déplace les contraintes


La communication institutionnelle met l’accent sur la réduction de la charge pour les PME et les ETI. Pourtant, les modifications annoncées ne simplifient pas réellement la compréhension du cadre. La logique du Pacte vert est maintenue, les délais commencent à glisser et les entreprises doivent s’adapter à un texte dont la version finale n’est pas encore stabilisée. Le paquet Omnibus illustre cette situation : une volonté de simplification affichée, mais une accumulation de révisions qui crée une instabilité réglementaire. Les conséquences sont concrètes pour les dirigeants, qui doivent planifier sur la base d’exigences susceptibles d’évoluer.

Des calendriers compressés malgré les révisions


Les analyses publiées par OnceForAll rappellent que les obligations de publication restent prévues pour 2025 et 2026 selon la taille, la consolidation comptable et la nature de l’entreprise. Les glissements de calendrier ne changent pas l’essentiel : les organisations doivent produire un reporting durable ou démontrer leur dispositif de vigilance alors que les règles exactes ne sont pas définitivement arrêtées. Ce décalage crée une tension opérationnelle forte, particulièrement pour les structures qui n’ont ni les ressources ni les équipes dédiées pour absorber ces changements au rythme imposé.

Un flou réglementaire qui devient un enjeu de gestion du risque


Le débat européen sur la simplification produit un effet paradoxal : plus les textes évoluent, plus l’incertitude grandit. Les entreprises ne peuvent plus se limiter à une lecture juridique. Elles doivent anticiper plusieurs scénarios, renforcer leur veille interne et adapter leur gouvernance RSE et risque en fonction d’un cadre qui se recompose. La question centrale n’est plus seulement le contenu des obligations, mais la capacité à gérer leur volatilité. Dans ce contexte, les PME et les ETI se retrouvent particulièrement exposées, faute de disposer d’un service dédié pour suivre ces évolutions.

Un besoin croissant de traduction stratégique


La période actuelle crée un besoin évident : transformer un débat réglementaire mouvant en impacts concrets pour la chaîne de valeur, les relations avec les fournisseurs, la continuité d’activité et la conformité. Les entreprises ont moins besoin d’un nouvel état des lieux juridique que d’une lecture opérationnelle. Le paquet Omnibus, la CSRD et la CS3D forment un ensemble dont la portée réelle dépendra de la manière dont les organisations sauront s’y préparer. C’est précisément dans cet espace d’interprétation et d’anticipation que se joue la résilience des PME et des ETI dans les mois à venir.

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