Gestion des accès et des identités : le nouveau nerf de la sécurité numérique

Par Laurent Arnou

Les identités, nouvelle surface d’attaque

La généralisation du cloud, le travail hybride et l’explosion des services SaaS ont transformé la gestion des identités en premier risque opérationnel. Les compromissions de comptes représentent encore l’un des vecteurs d’intrusion les plus fréquents. Selon Kroll, les violations issues de credentials faibles ou réutilisés figurent parmi les incidents les plus coûteux, car elles permettent aux attaquants de se déplacer silencieusement d’un service à l’autre.

Cette fragilité n’est pas étonnante. Une entreprise moderne accumule des milliers d’identités humaines, mais aussi un volume croissant d’identités techniques : API, scripts, services cloud, machines virtuelles, micro-services. Chacune possède des droits et des tokens d’accès qu’il faut documenter, surveiller et révoquer, souvent dans des environnements hybrides où cohabitent SaaS, serveurs internes, réseaux partenaires et appareils personnels.

De la gestion des mots de passe à la gouvernance des identités

L’IAM (Identity and Access Management, la gestion des identités et des accès) n’est plus un outil informatique, mais un cadre de gouvernance. Les organisations doivent gérer le cycle de vie complet des identités, définir précisément les rôles, limiter les privilèges, appliquer une authentification forte et auditer régulièrement les accès.

Les principes du Zero Trust s’imposent. Dans ce modèle, aucune session n’est considérée comme sûre par défaut. Chaque requête doit être authentifiée, vérifiée et contextualisée. Cette approche, promue par les autorités américaines et de plus en plus par les régulateurs européens, devient une norme de fait pour les environnements distribués.

Les recommandations institutionnelles convergent : séparation des pouvoirs, suppression des comptes dormants, revues périodiques des droits, journalisation exhaustive et capacité à détecter les comportements anormaux. La sécurité repose moins sur le pare-feu que sur la maîtrise fine des identités.

Un marché d’outils en pleine maturité

Le paysage technologique IAM s’est densifié en quelques années. Certains outils dominent par leur intégration cloud, d’autres par leur capacité de gouvernance ou leur spécialisation dans les comptes sensibles.

Okta reste l’un des leaders pour la gestion des identités internes et externes, avec un écosystème riche de connecteurs. Microsoft Entra ID s’impose dans les organisations hybrides. SailPoint se distingue pour les environnements fortement régulés nécessitant des contrôles et des audits complets. CyberArk est incontournable pour la protection des comptes à privilèges, un sujet devenu critique après plusieurs atteintes majeures impliquant des administrateurs compromis.

Ces solutions s’accompagnent souvent de modules de provisioning automatique, de moteurs d’analyse comportementale, de fonctions passwordless ou de capacités avancées de reporting. Mais leur mise en œuvre reste complexe. Une organisation qui n’a pas clarifié sa gouvernance interne multiplie les risques d’erreurs : droits trop larges, comptes orphelins, dérives progressives dans les permissions attribuées.

Comment choisir une solution IAM adaptée ?

Le choix d’un outil ne repose pas sur une simple comparaison de fonctionnalités. Il dépend de la maturité interne, du niveau de risque, du secteur, des contraintes réglementaires et de la capacité à absorber des workflows d’accès.

Une PME cherchant à sécuriser rapidement un parc SaaS privilégiera une solution cloud simple et connectable. Une entreprise industrielle disposant d’infrastructures hybrides cherchera une solution capable de gérer les identités techniques, les environnements OT et la granularité des rôles. Les secteurs régulés auront besoin d’une traçabilité complète et de certifications rigoureuses.

La réussite d’un projet IAM tient souvent à trois éléments : un inventaire fiable des identités, un travail fin sur les rôles et les privilèges et une politique claire de création et de suppression des accès. Les outils ne compensent jamais un manque de gouvernance.

Tendances émergentes et signaux faibles

Les évolutions actuelles montrent un déplacement du centre de gravité vers des architectures plus autonomes. L’essor de l’authentification sans mot de passe réduit la dépendance aux secrets statiques. Les technologies FIDO2 et les clés physiques s’imposent dans les organisations sensibles.

La Self-Sovereign Identity (SSI), portée par plusieurs travaux académiques, vise à donner aux individus un contrôle accru sur leurs identités numériques. Pour l’instant limitée à certains usages, elle pourrait transformer la gestion des identités externes, notamment dans les services à forte interaction citoyenne.

L’intelligence artificielle, elle, commence à s’intégrer aux outils IAM pour détecter automatiquement les comportements anormaux, réduire les abus de privilèges et affiner les contrôles en temps réel. Ce mouvement n’en est qu’à ses débuts, mais il pourrait réduire fortement les faux positifs et améliorer la réactivité face aux tentatives d’intrusion.

Vers une maturité indispensable

La gestion des identités n’est plus un sujet exclusivement technique. Elle touche à la conformité, à la continuité d’activité, à la sécurité opérationnelle et à la responsabilité juridique. Les entreprises qui ne parviennent pas à maîtriser leurs accès s’exposent à des risques majeurs : vol de données, espionnage industriel, fraude interne ou paralysie d’activité.

L’IAM n’est plus un luxe. C’est une infrastructure critique, aussi essentielle qu’un pare-feu ou qu’un plan de continuité. La montée en puissance des outils est réelle, mais l’essentiel reste la capacité des organisations à définir des règles, à les appliquer et à suivre les évolutions rapides de leurs environnements numériques.

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