Par Laurent Arnou
L’édition 2025 de Choose France devait marquer un tournant. Nouveau format, recentré sur les entreprises françaises. Nouveau récit, censé montrer un pays qui réinvestit massivement dans son appareil productif. Nouveau record annoncé : plus de 30 milliards d’euros et 151 projets.
Sur le papier, l’ambition est claire. Dans les faits, le décalage apparaît dès qu’on quitte les communiqués pour regarder le terrain.
Des chiffres spectaculaires, mais un contenu largement recyclé
Le gouvernement parle de « 30,4 milliards d’euros d’investissements ». Pourtant, seuls un peu plus de neuf milliards correspondent à de nouveaux projets. Le reste agrège des décisions déjà connues, reconditionnées pour l’événement. L’effet d’accumulation impressionne, mais ne dit rien de l’impact réel.
Dans un contexte économique tendu, ces montants servent surtout à montrer du mouvement. Ils n’éclairent pas la solidité des dossiers ni leur viabilité à moyen terme. Le sommet aligne les engagements, mais ne précise ni le calendrier, ni les phases, ni les conditions de mise en œuvre.
Une géographie inégale, parfois frustrante
Les déclinaisons régionales racontent une toute autre histoire.
En Bretagne, à peine 183 millions recensés et beaucoup d’incertitudes dans les montants avancés. En PACA, huit projets mais aucune surprise notable. En Nouvelle-Aquitaine, aucune grande annonce. Dans les Hauts-de-France, seuls deux projets vraiment identifiés malgré plus de 400 millions globalement évoqués.
Cette fragmentation affaiblit le message national. Le sommet affiche une ambition homogène, mais les territoires constatent une dynamique à trous, parfois quasi inexistante. D’un événement censé illustrer la « réindustrialisation », on retient surtout l’impression d’un pays où les annonces ne se répartissent pas de manière équilibrée.
Des entreprises présentes… mais prudentes
Le contraste vient aussi du climat économique. Les dirigeants interrogés évoquent la même liste de préoccupations : prix de l’énergie, fiscalité instable, incertitudes budgétaires, risque réglementaire, tensions politiques. Les annonces d’investissement ne suffisent pas à dissiper ces doutes. Elles ne créent ni visibilité durable, ni continuité stratégique.
Ce décalage finit par brouiller la raison d’être du sommet. Choose France veut montrer un pays attractif. Les signaux envoyés par les chefs d’entreprise montrent un pays qui reste sous vigilance.
Un rituel politique plus qu’un levier économique
L’événement a pris au fil des ans la forme d’un rituel institutionnel : montrer des chiffres, empiler des projets, occuper le terrain médiatique. Mais la transformation industrielle ne se joue pas sur tableau Excel. Elle se mesure aux usines ouvertes, aux emplois créés, aux chaînes de valeur consolidées.
Or, tant que les annonces ne sont pas accompagnées d’un suivi public détaillé – localisation, phases, financements, risques – elles restent des intentions. Elles créent une narration économique plus qu’une dynamique productive.
Une question simple, mais essentielle
Choose France 2025 affiche un record. Pourtant, l’impression dominante reste celle d’un exercice où le spectacle dépasse la substance. Beaucoup d’effets, peu d’impact démontré. Les territoires attendent des preuves. Les entreprises attendent de la stabilité. Le pays attend des résultats.
L’enjeu n’est plus d’annoncer. Il est d’exécuter, de suivre, de démontrer.
Pour l’instant, le sommet 2025 laisse un goût d’inachevé : un grand récit national sans traduction claire dans le réel. Beaucoup de bruit et pas encore assez d’effet.
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